Dimanche après dimanche, l’émission NEOQUÉBEC, diffusée sur la radio CIBL devient le théâtre d’une réflexion puissante et nécessaire dans la société québécoise. Ce dimanche 5 octobre 2025, le sujet de discussion a fait vibrer les consciences : la polémique suscitée par un reportage de Radio-Canada sur un prétendu réseau criminel africain opérant au Québec (*). Un thème qui a divisé, mais surtout interrogé sur la place de la voix africaine dans les médias québécois et au-delà.
À l’occasion de ce premier numéro du segment La Grande Conversation dans l’émission dominicale, diffusée en direct tous les dimanches, Cyrille Ekwalla a invité quatre intervenants issus de la communauté africaine au Québec :
– Aïsha Issa (coach éxécutive, DG de ValHorizon conseils, précédemment directrice générale de l’Institut de technologir agroalimentaire du Québec),
– Doro Saiz (Directeur créatif & associé – Groupe Smartegy)
– Mariam Coulibaly (Consultante /Formatrice en Entrepreneuriat féminin et Economie sociale)
– Thierno Souleymane Diallo (Président de la Fédération Africaine et Associations du Canada-FAAC)
Plutôt que de se livrer à un débat enflammé, ils ont choisi d’exprimer ensemble leurs préoccupations dans une discussion apaisée, mais non moins incisive. Les quatre intervenants ont exprimé leur mécontentement face à un traitement biaisé, trop simpliste et déconnecté de la réalité des faits.
La réalité médiatique de la communauté africaine
Les intervenants ont vivement critiqué le manque de diversité dans les sources d’information utilisées par Radio-Canada pour dresser le portrait des Africains au Québec. Selon eux, la couverture médiatique actuelle donne une image réductrice et fausse de la communauté africaine, la dépeignant à travers une lentille négative, où la criminalité semble dominer. Un point particulièrement reproché est l’absence de voix africaines dans ces reportages. Loin de se limiter à une analyse factuelle et nuancée, le reportage suggère une généralisation préjudiciable en assimilant des actes criminels à l’ensemble de la population d’origine africaine, et plus précisément à la communauté ivoirienne.

Lors de l’émission, Mariam Coulibaly a été rappelé que le nombre de personnes incriminées dans ces fraudes ne représente qu’une infime fraction de la population ivoirienne au Québec : seulement 200 fraudeurs sur 10 000 Ivoiriens, soit 2 %. Cette donnée a été utilisée par les intervenants pour souligner qu’il est injuste et erroné de stigmatiser toute une communauté sur la base des actions d’une minorité. Pour eux, le reportage n’a pas tenu compte de cette nuance essentielle et a participé à alimenter une narration biaisée.
Une image détournée de l’Afrique
Les discussions ont également abordé la manière dont l’Afrique est perçue dans les médias québécois. Pour Doro Saiz, l’Afrique est souvent représentée comme un continent de conflits et de pauvreté, dominé par des stéréotypes négatifs. Les intervenants ont souligné qu’il est essentiel de déconstruire cette image réductrice et de présenter une Afrique plus nuancée, diverse et riche culturellement. Selon eux, cette vision simpliste nuit à la reconnaissance de la contribution positive des Africains au Québec, tant sur le plan économique que culturel et social. Thierno Souleymane Diallo a insité sur le fait que l’Afrique est loin d’être le terreau exclusif de la criminalité, mais plutôt un continent qui, par son histoire, ses traditions et ses diasporas, enrichit les sociétés où ses enfants s’établissent.
L’identité africaine et québécoise : Un enjeu de représentation
L’émission a également insisté sur l’importance pour les Africains de s’affirmer publiquement, non seulement en tant que Québécois, mais aussi en tant qu’Africains. Aïsha Issa et Mariam Coulibaly ont expliqué que leur identité africaine ne doit pas être reléguée au second plan, mais bien valorisée comme un atout qui enrichit la société québécoise. Elles ont plaidé pour une meilleure reconnaissance de leur place au sein de la société québécoise, une place que les Africains devraient revendiquer de manière plus visible, en particulier dans les sphères médiatiques.
En effet, de nombreux obstacles demeurent pour les Africains souhaitant s’exprimer dans les médias. Doro Saiz a relevé le manque d’opportunités pour les Africains de se faire entendre en tant qu’experts dans des domaines variés est un problème récurrent. Et Thierno Souleymane a aussi évoqué des facteurs d’autocensure, souvent dus à la peur de ne pas être acceptés par une société qui a encore des difficultés à intégrer pleinement les voix de ses minorités.
La communauté africaine au Québec est diverse, dynamique et constitue une richesse indéniable pour la province.
Des actions concrètes pour renverser les stéréotypes
Les quatre invités ne se sont pas contentés de critiquer la situation actuelle ; ils ont proposé des actions concrètes pour améliorer la représentation des Africains au Québec. Parmi les initiatives proposées, on trouve l’organisation d’événements de réseautage et de visibilité pour les Africains, notamment les RIDA (Rencontres Internationales de la Diaspora Africaine), organisées par la FAAC et prévues pour les 24-26 octobre d’une part; et d’autre part, le 7 novembre 2025, une rencontre d’ateliers immersifs organisés par Startop de Mariam Coulibaly. Ces événements auront pour objectif de créer des espaces de rencontre et de discussion, favorisant la mise en valeur des contributions positives des Africains à la société québécoise.

En parallèle, Doro Saiz et Aïsha Issa ont appelé à la production de contenus médiatiques positifs sur les Africains du Québec. Cela inclut la réalisation de reportages mettant en lumière des leaders africains dans différents secteurs, qu’il s’agisse de l’entrepreneuriat, de la culture ou de la politique. L’objectif est de montrer que la communauté africaine ne se résume pas à une caricature, mais qu’elle est composée de personnes dynamiques, innovantes et engagées qui participent activement au développement du Québec.
Le message final de l’émission est fort et clair : la communauté africaine au Québec est diverse, dynamique et constitue une richesse indéniable pour la province. Il est donc essentiel de dépasser les stéréotypes négatifs, souvent véhiculés par des médias peu ouverts aux différentes réalités africaines, pour mieux connaître et valoriser cette communauté. Les Africains, en s’affirmant dans l’espace public, en produisant des contenus positifs et en participant à des événements de réseautage, contribuent à changer la perception qu’ont de nombreux Québécois d’eux.
Le segment La Grande Conversation dans l’émission Néoquébec a ainsi offert une tribune aux Africains du Québec pour dénoncer une forme de mépris et de stigmatisation médiatique, tout en mettant en avant les actions à entreprendre pour faire connaître la véritable richesse de leur communauté. En réclamant une meilleure représentation, plus juste et plus diverse, les intervenants ont ouvert la voie à un dialogue constructif, en espérant que d’autres suivront l’exemple.
(c) Institut Neoquébec – Octobre 2025
Lien article Radio-Canada : https://ici.radio-canada.ca/info/long-format/2192538/fraude-amour-vol-voiture-crime-afrique-canada-immigration