C’est un tournant historique dans la mmoire partagée entre la France et le Cameroun. Le 12 août 2025, un document officiel inédit a été rendu public : dans une lettre adressée à Paul Biya, Emmanuel Macron reconnaît la responsabilité de la France dans la répression sanglante menée au Cameroun entre 1945 et 1971. Cette déclaration, fondée sur les conclusions d’un rapport d’historiens camerounais et français remis en janvier, marque la première fois qu’un chef d’État français utilise le mot « guerre » pour décrire ces événements.
» Il m’appartient aujourd’hui d’assumer le rôle et la responsabilité de la France dans ces événements « , écrit Emmanuel Macron.
Une guerre longtemps effacée de l’histoire officielle
Après la Seconde Guerre mondiale, la France, puissance coloniale sous mandat de l’ONU, veut contenir la montée du nationalisme camerounais. Dès 1955, sous le Haut-Commissaire Roland Pré, l’UPC (Union des Populations du Cameroun) est interdite. Ses leaders passent dans la clandestinité et prennent les armes.
Arrivé en 1957, Pierre Mesmer applique les méthodes de la bataille d’Alger : contrôle total des populations rurales et isolement des maquis nationalistes.
Des leaders visés par des opérations françaises
Dans sa lettre, Macron reconnaît la responsabilité directe de la France dans la mort de quatre figures emblématiques : Isaac Nyobè Pandjock (17 juin 1958); Ruben Um Nyobè (13 septembre 1958); Paul Momo (17 novembre 1960); Jérémie Ndéléné (24 novembre 1960). Le rapport met en vant deux cas particuliers :Félix-Roland Moumié, président de l’UPC, assassiné au poison à Genève (1960) : Macron rappelle le non-lieu rendu par la justice suisse en 1980; et Ernest Ouandié, dernier grand leader upéciste, exécuté par fusillade le 15 janvier 1971.

Un conflit qui a continué après l’indépendance
Le rapport indique que la guerre ne s’est pas arrêtée en 1960, date officielle de l’indépendance. La France a continué à fournir un appui militaire au régime d’Ahmadou Ahidjo dans la lutte contre les maquis, prolongeant la répression jusqu’au début des années 1970.
Bilan humain : des dizaines de milliers de morts, des centaines de milliers de déplacés, un traumatisme collectif encore vivace.
Reconnaissance, mais pas d’excuses
Emmanuel Macron admet la responsabilité française, mais ne présente pas d’excuses officielles et ne mentionne pas la question des réparations.
Et les réactions du public sont contrastées, à l’instar de Charles Wamalamou, étudiant : « Reconnaître les torts n’est pas suffisant. La France a fait trop de mal. » ou encore Tsoye Bruno, un enseignant : » C’est une bonne chose qu’il ait reconnu la violence coloniale, mais ne pas s’excuser est une très mauvaise chose. « . Pour le professeur Willibroad Dze-Ngwa, membre de la commission, le mandat des historiens n’incluait pas la recommandation d’excuses ou de réparations.
Un geste dans la continuité de la politique mémorielle de Macron
Cette reconnaissance s’inscrit dans une série d’initiatives :
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2021 : reconnaissance de la responsabilité française dans le génocide rwandais.
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2022 : reconnaissance d’un massacre commis par l’armée française contre des tirailleurs sénégalais (1944).
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Algérie : refus d’excuses officielles, mais mise en place d’« actes symboliques » pour la réconciliation.

Et après ?
Macron souhaite que les travaux de la commission soient rendus accessibles aux universités et centres de recherche des deux pays, et appelle à poursuivre les recherches. La question des réparations reste cependant absente du discours officiel et pourrait devenir un point de tension politique au Cameroun : » Ce geste ne ferme pas la page, il ouvre un nouveau chapitre « , estime un observateur des relations entre les deux pays.
Rappel chronologique
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1945 : Montée du nationalisme camerounais
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1955 : Interdiction de l’UPC, début de la lutte armée
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1958 : Assassinat de Ruben Um Nyobè et Isaac Nyobè Pandjock
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1960 : Indépendance ; mort de Paul Momo et Jérémie Ndéléné ; assassinat de Félix-Roland Moumié
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1971 : Exécution d’Ernest Ouandié
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2022 : Lancement de la commission mixte d’historiens
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2025 : Publication du rapport et reconnaissance officielle par Emmanuel Macron
(c) Neoquébec (sources BBC Africa & TV5 Monde) – Août 2025