C’est avec stupeur que l’on a appris aux aurores ce samedi 10 mai, le décès soudain de Koyo Kouoh, une figure majeure de la scène artistique mondiale.

Son décès a été annoncé par le Zeitz MOCCA :  » C’est avec une profonde douleur que les administrateurs du Zeitz Museum Of Contemporary Art Africa ont reçu des nouvelles aux premières heures de ce matin du décès soudain de Koyo Kouoh, notre bien-aimée Directrice éxécutive et conservatrice en chef.
Par respect, Zeitz MOCAA va fermer ses portes aujourd’hui, et toute la programmation sera suspendue jusqu’à nouvel ordre. Nos pensées vont à la famille de Koyo en ce moment. »

Koyo Kouoh était la directrice exécutive et conservatrice en chef du Zeitz Museum of Contemporary Art Africa (Zeitz MOCAA) au Cap, en Afrique du Sud, depuis 2019, et fondatrice de RAW Material Company, l’un des centre d’art majeurs de Dakar, au Sénégal.
En décembre dernier (plus exactement le 3 decembre 2024), elle a fait la Une des medias du monde entier lorsqu’elle a été nommée Curatrice de la 61ème édition de la Biennale di Venezia, précvue l’année prochaine (avril – novembre 2026). Par cette nomination, Koyo Kouoh, originaire du Cameroun, devenait ainsi la première première femme africaine (*) à être nommée à ce poste par le Conseil d’Administration de la Biennale de Venise.

Son président, Pietrangelo Buttafuoco déclara d’ailleurs à propos du choix de Koyo Kouh comme curatrice, qu’il s’agissait : « … de la reconnaissance d’un vaste horizon de pensée, à l’aube d’un jour riche en mots et en regards nouveaux. Sa perspective de commissaire, de chercheuse et de figure publique influente rencontre les intelligences les plus fines, jeunes et subversives. Avec elle ici à Venise, la Biennale confirme ce qu’elle offre au monde depuis plus d’un siècle : être la maison du futurpar ce choix, la Biennale confirme ce qu’elle offre au monde depuis plus d’un siècle : être la maison du futur « .

Qui était Koyo Kouoh

Née au Cameroun et vivant et travaillant entre Cape Town (Afrique du Sud), Dakar (Sénégal) et Bâle (Suisse), Koyo Kouoh a étudié à Zurich en Suisse et y travaille dans le système bancaire avant de rentrer dans le monde de l’art à partir de 1995. Après avoir coordonné le programme culturel de l’Institut Gorée, été co-commissaire des Rencontres africaines de la photographie (2001) et collaboré avec la Biennale de Dakar (2023), elle fonde en 2008 le RAW Material Company, un lieu à la fois centre d’art, d’exposition, et d’échanges autour des savoirs. Elle a fait partie de l’équipe curatoriale de la documenta 12 (2007) et de la documenta 13 (2012). En 2020, elle a reçu le Grand Prix Meret Oppenheim, un prestigieux prix suisse qui récompense les réalisations dans les domaines de l’art, de l’architecture, de la critique et des expositions.

Curatrice ancrée dans une perspective panafricaine et internationale, Koyo Kouoh a organisé d’importantes expositions importantes telles que Body Talk : Feminism, Sexuality and the Body in the Works of Six African Women Artists, dont la première a eu lieu au Wiels à Bruxelles, en Belgique, en 2015. Elle a été commissaire de Still (the) Barbarians, la 37e édition d’EVA International, la Biennale d’Irlande à Limerick en 2016 et a participé à la 57e édition de Carnegie International à Pittsburgh, Pennsylvanie, États-Unis, avec le projet d’exposition largement documenté Dig Where You Stand (2018), une exposition dans l’exposition, tirée des collections des musées d’art et d’histoire naturelle Carnegie Museums of Art and Natural History. Elle a également été commissaire du programme éducatif et artistique de la foire d’art contemporain africain 1-54 à Londres et à New York de 2013 à 2017.

On lui doit aussi une longue liste de publications parmi lesquelles When We See Us : A Century of Black Figuration in Painting (2022), publié à l’occasion de l’exposition éponyme au Zeitz MOCAA en novembre 2022 ; Shooting Down Babylon (2022), la première monographie sur l’œuvre de l’artiste sud-africaine Tracey Rose ; Breathing Out of School : RAW Académie (2021) ; Condition Report on Art History in Africa (2020) ; Word ! Word ! Issa Samb and The Undecipherable Form (2013) ; et, Condition Report on Building Art Institutions in Africa (2012).

Héritage

Pionnière dans son travail et sa démarche, Koyo Kouoh a fait des émules dans le monde entier, au sein des diasporas noires, à l’instar de la curatrice guadeloupéenne et résidente montréalaise Diane Gistal : « Koyo Kouoh n’est pas seulement la visionnaire et la leader que beaucoup reconnaissent. Elle est tout cela, certes, mais avant tout, pour moi en tant que curatrice, elle est celle qui m’a permis de rêver, rêver grand. Elle nous a ouvert la voie, à déplacé les lignes et frontières, brisé de multiples plafonds. Elle nous a rappelé avec force que l’Afrique est son propre centre, et qu’elle n’a rien à envier à quiconque. Elle nous a aussi rappelé que le patrimoine est vivant, porté et préservé par les communautés, nos communautés!
Koyo n’incarne pas seulement un parcours hors du commun : elle est nourrie d’un ensemble de relations qu’elle a tissées et qui constituent aujourd’hui son héritage le plus précieux ( dont en témoigne RAW). »
Son décès laisse un vide immense dans le monde de l’art contemporain et au sein de la communauté internationale d’artistes, de commissaires et de chercheurs qui ont eu le privilège de connaître et d’admirer son engagement humain et intellectuel hors du commun.

(*)Le nigérian Okwui Enwezor (mort en 2019) a dirigé la 56ème Biennale en 2015

(c) Cyrille Ekwalla – Institut Neoquébec -Mai 2025

 

Related Posts

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.