L’un conservateur radical, l’autre progressiste modéré : les noms des cardinaux africains Robert Sarah (Guinée) et Peter Turkson (Ghana) figurent parmi les papabili pressentis pour succéder au pape François, décédé le 21 avril 2025. Une opposition de style et de vision qui reflète les débats internes de l’Église catholique.

Robert Sarah, le rogoriste solitaire

Figure de l’aile dure du catholicisme, le cardinal Robert Sarah, 79 ans, est perçu comme l’antithèse du pape François. Ancien archevêque de Conakry, ce Guinéen a été promu cardinal en 2010 par Benoît XVI, dont il était proche. À la tête de la Congrégation pour le culte divin entre 2014 et 2021, il a défendu une liturgie plus traditionnelle et critiqué frontalement les réformes liturgiques engagées par François, notamment la restriction de la messe en latin.

 Cardinal Robert Sarah (DR)

Son conservatisme se manifeste aussi dans ses prises de position contre l’homosexualité, l’idéologie du genre ou encore le relativisme moral. En 2020, il avait cosigné avec Benoît XVI un livre défendant le célibat des prêtres, en contradiction avec certaines orientations du synode sur l’Amazonie. Ce geste avait été lu comme une tentative de « contre-pouvoir » au sein du Vatican.

Charismatique et intransigeant, Robert Sarah attire les soutiens d’une frange conservatrice du clergé mondial. Mais sa posture tranchée pourrait rebuter un conclave majoritairement composé de cardinaux nommés par François.

Peter Turkson, le pont entre deux mondes

À 76 ans, le cardinal Peter Turkson incarne une Église plus ouverte. Fils d’ouvrier, formé à New York et à Rome, cet ancien archevêque de Cape Coast (Ghana) a été promu cardinal par Jean-Paul II en 2003, avant de prendre de l’envergure sous Benoît XVI puis François. En 2016, ce dernier lui confie la direction du Dicastère pour le développement humain intégral, un super-ministère vatican chargé des questions sociales, migratoires et environnementales.

Cardinal Peter Turkson (DR)

Turkson est un fervent défenseur de l’encyclique Laudato Si’, qui prône l’écologie intégrale. Rompu au dialogue interreligieux et présent sur la scène internationale (notamment au Forum de Davos), il se montre favorable à une mondialisation plus éthique et solidaire. Moins rigide que Sarah sur les questions morales, il appelle à l’écoute et à la miséricorde.

Consensuel, engagé, proche des préoccupations sociales du pape François, Turkson pourrait incarner une forme de continuité plus souple et rassembleuse. Mais son âge avancé pourrait jouer contre lui dans un conclave qui recherche un pontificat de long terme.

L’Afrique, éternelle prétendante ?

L’idée d’un pape africain ne date pas d’hier. En 2005, à la mort de Jean-Paul II, le Nigérian Francis Arinze, alors préfet de la Congrégation pour le culte divin, était considéré comme un sérieux prétendant. Tout comme le Sud-Africain Wilfrid Napier, archevêque de Durban, respecté pour son engagement contre l’apartheid. En 2013, lors de la renonciation de Benoît XVI, le nom de Peter Turkson revenait déjà parmi les favoris.

Mais jusqu’à présent, aucun Africain n’a accédé au trône de Pierre. Pourtant, le centre de gravité du catholicisme s’est largement déplacé vers le Sud, et notamment vers l’Afrique, continent en pleine expansion démographique et religieuse.

Une Église à la croisée des chemins

Le prochain conclave devra trancher entre la fidélité à l’esprit de réforme de François et une volonté de retour à une Église plus doctrinale. Dans ce contexte, les candidatures de Sarah et Turkson symbolisent deux chemins possibles pour l’avenir du catholicisme.

Qu’il soit conservateur ou réformateur, africain ou non, le futur pape devra répondre aux défis d’une Église mondialisée, confrontée à des bouleversements éthiques, sociaux et géopolitiques sans précédent. Et si, cette fois, l’Afrique était prête ?

(c) Institut Neoquébec (Avril 2025)

 

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