Les Australiens ont voté contre le projet de loi qui donnait la parole aux autochtones. Les Aborigènes n’auront pas de « Voix » auprès du parlement et du gouvernement.
Deux heures à peine après la fermeture des bureaux de vote, le non était en tête dans les Etats fédérés de Nouvelles Galles du Sud (56,2 %) – le plus peuplé -, d’Australie méridionale (61,9 %), de Tasmanie (59 %) et de Queensland (65,7 %).
Seul le territoire de la capitale australienne, Canberra, a voté en faveur du référendum à 65,4 %.
Plus de 59% des électeurs ont donc voté « non » au texte qui proposait de reconnaître dans la Constitution les Aborigènes comme les premiers habitants de l’île-continent et de leur donner une « voix » spécifique.
3,8% de la population australienne
Le projet prévoyait de créer un conseil consultatif – surnommé « La Voix » – auprès du Parlement et du gouvernement pour émettre des avis sur les lois et les politiques publiques qui affectent les populations autochtones. Les Aborigènes et insulaires du détroit de Torres représentent 984 000 personnes, soit 3,8% de la population australienne. Les défenseurs du projet avaient passé une décennie à développer ce modèle.
La campagne du référendum a creusé les divisions raciales dans le pays-continent. Elle avait entraîné une avalanche de commentaires racistes sur les médias en ligne.
De fausses informations ont aussi circulé, dont certaines affirment que les titres de propriété pourraient être remis en cause ou que des réparations devraient être versées si la réforme passait.
D’abord largement majoritaire, le camp favorable au changement de la Constitution de 1901 n’a cessé de perdre du terrain ces derniers mois, en raison notamment de la campagne menée par l’opposition conservatrice, dirigée par l’ancien ministre de la Défense Peter Dutton.
Pour le camp conservateur, la réforme constituait un bricolage constitutionnel et aurait créé des divisions au sein de la société, en créant une distinction de citoyenneté.
Double standard pour la citoyenneté
« C’est un résultat difficile, un résultat très difficile« , a déclaré le directeur de la campagne « Yes23 » Dean Parkin. « On a fait tout ce qu’on a pu, et nous allons y revenir« , a-t-il assuré.
Pour les partisans de « La Voix », cette réforme devait contribuer à panser les plaies encore vives d’un passé de colonisation et de répression raciale.
Aujourd’hui, plus de 200 ans après la colonisation britannique, les Australiens autochtones, dont les ancêtres vivent sur le continent depuis au moins 60.000 ans, ont les mêmes droits que les autres citoyens, mais ils souffrent toujours de fortes inégalités.
Partisane du « oui », Karen Wyatt, 59 ans, avait estimé avant le scrutin que si « La Voix » était rejetée, ce serait « un jour de honte pour l’Australie« .
Dee Duchesne, 60 ans, qui a fait campagne pour le « non », a expliqué vouloir « éviter qu’une couche supplémentaire de bureaucratie ne s’ajoute à notre Constitution« .
Thomas Mayo, auteur et défenseur australien des droits de l’homme, l’un des signataires et défenseur de l’Indigenous Voice to Parliament, a dit sa colère contre ceux qui ont fait campagne en faveur du « non ». « Ils ont menti aux Australiens. Cette malhonnêteté ne devrait pas être oubliée par le peuple australien« . « Il devrait y avoir des répercussions pour ce type de comportement dans notre démocratie, ils ne devraient pas pouvoir s’en sortir comme ça« .
Le Premier ministre de centre-gauche, Anthony Albanese, qui s’était beaucoup impliqué dans la campagne avait lancé samedi un dernier appel aux électeurs, qui ne l’ont pas entendu.
« Il s’agit du respect des indigènes australiens. Il s’agit de la façon dont nous nous voyons en tant que nation, mais aussi de la façon dont le monde nous voit« , avait-il plaidé.
Le vote était obligatoire pour les 17,5 millions d’électeurs australiens.
Pour être adoptée, la réforme devait recueillir non seulement une majorité de votes au niveau national, mais aussi dans au moins quatre des six Etats du pays.
Elle n’a obtenu ni l’un ni l’autre.