La République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda ont signé, vendredi à Washington, un accord de paix visant à mettre un terme au conflit sanglant dans l’est de la RDC, qui a coûté la vie à des milliers de civils. Cette initiative, portée par les États-Unis, est saluée par le président américain Donald Trump comme « un nouveau chapitre d’espoir ».
« Aujourd’hui, la violence et la destruction prennent fin. Toute la région entre dans une ère de possibilités, d’harmonie, de prospérité et de paix », a déclaré le président Trump depuis la Maison-Blanche, aux côtés des ministres des Affaires étrangères congolais et rwandais. Il a qualifié l’accord de « jour merveilleux » et a également évoqué l’intérêt des États-Unis pour l’accès à certaines ressources minières congolaises.
Une signature solennelle à Washington
L’accord a été signé en présence du secrétaire d’État américain Marco Rubio, de ses homologues Thérèse Kayikwamba Wagner (RDC) et Olivier Nduhungirehe (Rwanda). Fruit d’une déclaration de principes conclue en avril, ce traité engage les deux pays à respecter l’intégrité territoriale, à cesser les hostilités et à établir un mécanisme conjoint de coordination sécuritaire. Il prévoit également le désarmement, le désengagement et l’intégration conditionnelle des groupes armés non étatiques.
Le chef de la diplomatie américaine a salué un « moment important après 30 ans de guerre », tout en reconnaissant qu’« il reste beaucoup à faire ».
Des relations bilatérales empoisonnées
La signature de cet accord intervient dans un climat de grande méfiance entre les deux chefs d’État. Depuis plusieurs années, les relations entre le président congolais Félix Tshisekedi et son homologue rwandais Paul Kagame sont notoirement tendues. Les accusations mutuelles d’ingérence, de soutien à des groupes armés ennemis et de violations de souveraineté ont transformé leur antagonisme personnel en un facteur aggravant du conflit régional. Cet accord marque donc une tentative de rapprochement diplomatique sans pour autant dissiper complètement les tensions.
Le cas épineux du M23 et des FDLR
L’un des points névralgiques du conflit demeure le groupe armé M23, accusé par l’ONU et les États-Unis d’être soutenu par Kigali. Ce groupe s’est emparé de Goma en janvier et de Bukavu en février lors d’une offensive éclair meurtrière. L’accord n’aborde toutefois pas explicitement les gains territoriaux du M23.

Le ministre rwandais des Affaires étrangères a insisté sur la nécessité de mettre en œuvre un « concept d’opérations » pour neutraliser les FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda), que Kigali considère comme une menace directe. En contrepartie, le Rwanda s’engage à lever ses « mesures défensives ».
Pour le conseiller de Donald Trump pour l’Afrique, Massad Boulos, la fin du soutien présumé de Kinshasa aux FDLR constitue un engagement central du processus.
Ressources stratégiques et convoitises internationales
Premier producteur mondial de cobalt, la RDC abrite également plus de 60 % des réserves mondiales de coltan, un minerai clé dans l’industrie électronique. Cette richesse souterraine, stratégique pour les technologies de pointe, attise l’intérêt de plusieurs puissances, notamment des États-Unis. Le président Trump n’a pas caché que l’accord pourrait ouvrir la voie à de nouveaux droits d’exploitation minière pour son pays.
Réactions contrastées et réserves
La cheffe de la mission de l’ONU en RDC, Bintou Keita, s’est montrée prudemment optimiste. Elle a évoqué des « tensions persistantes » mais également des « lignes de front et de négociation qui bougent », signes d’une possible avancée vers la paix.
De son côté, le président français Emmanuel Macron a salué « un pas en avant historique après des décennies de souffrance ».
Cependant, plusieurs voix s’élèvent pour dénoncer les lacunes de l’accord. L’organisation Physicians for Human Rights regrette notamment l’absence de mesures contraignantes sur les violations des droits humains. « Il ne peut y avoir de paix durable sans véritable justice », a affirmé son directeur, Sam Zarifi.
Si l’accord signé à Washington est indéniablement une avancée diplomatique majeure, il laisse encore planer des zones d’ombre importantes. L’absence de discussions sur les territoires contrôlés par le M23, les intérêts miniers affichés des États-Unis, et le flou sur les mécanismes de justice transitionnelle pourraient à terme fragiliser ce nouvel élan. Seul un engagement sincère et durable des acteurs régionaux et internationaux permettra de transformer cette promesse de paix en réalité tangible pour les populations meurtries de l’est de la RDC.
(c) Neoquébec (avec l’AFP) – Juin 2025