L’Afrique regorge d’opportunités économiques et le Canada peut être un partenaire essentiel. Mais il doit aller au-delà des gestes humanitaires.
Alors que des puissances mondiales comme la Chine et la Russie renforcent leur engagement en Afrique, le Canada se trouve à un moment charnière pour ce qui est de sa place sur la scène internationale.
En ces temps de changements géopolitiques et de réalignements économiques, le Canada doit rapidement mettre en œuvre une stratégie globale qui fixe de nouvelles priorités diplomatiques et économiques, en reconnaissant l’importance de l’Afrique au-delà des gestes humanitaires. Il doit saisir les opportunités qui s’offrent à lui, sous peine d’être marginalisé.
Le travail stratégique de base pour un engagement renforcé avec l’Afrique a commencé en 2022, lorsque le premier ministre a nommé Mary Ng, ministre de la Promotion des exportations, du Commerce international et du Développement économique, pour diriger la Stratégie de coopération économique Canada-Afrique (SCEA-CA).
Après deux ans de consultations publiques approfondies et d’affirmations retentissantes sur le rôle central de l’Afrique en tant que partenaire, la stratégie n’a malheureusement pas permis de réaliser des progrès tangibles.
En comparaison, la stratégie indo-pacifique du Canada est soutenue par un engagement substantiel de 2,5 milliards de dollars. Mais le budget fédéral publié en avril a alloué 900 millions de dollars à l’aide humanitaire, n’offrant aucun soutien à l’agenda de l’AC-ECS. C’est décevant.
Le budget n’a fait que renforcer l’idée que le continent africain dépend de l’aide internationale au lieu d’être une partie prenante à part entière de la vision stratégique internationale du Canada.
Les vieilles habitudes ont la vie dure
Le Canada continue de démontrer son attachement aux principes humanitaires et à l’engagement mondial. Cet engagement se traduit par des actions et des investissements portant sur des questions urgentes telles que le changement climatique, le développement économique et les droits de l’homme.
Cette approche découle de la volonté du Canada de préserver l’ordre international fondé sur des règles et de renforcer ses alliances existantes. En Afrique, cette approche se traduit par des actions spécifiques telles que la fourniture de diverses formes d’aide au développement, la promotion des efforts environnementaux et le soutien des droits des personnes lgbtqi+.
Une fois encore, tout en soulignant l’engagement du Canada à favoriser la croissance économique et la stabilité dans les régions émergentes, ces actions renforcent en fin de compte l’image de l’Afrique en tant que bénéficiaire de l’aide plutôt qu’en tant que collaborateur potentiel dans la stratégie mondiale du Canada.
Changer d’approche pour un bénéfice mutuel
Une réorientation stratégique de l’engagement du Canada auprès des États africains et de l’Union africaine consisterait à élargir son champ d’action tout en utilisant l’assistance économique et le développement d’infrastructures comme outils de construction d’alliances politiques. En investissant dans les initiatives de développement de l’Afrique, le Canada peut se positionner comme un partenaire essentiel dans la trajectoire de croissance du continent.
L’élément central de cette approche recalibrée est la reconnaissance de l’Afrique non seulement comme une préoccupation humanitaire du Canada, mais aussi comme une région débordant de potentiel économique. Avec des opportunités dans les domaines des énergies renouvelables, des minéraux essentiels et de l’innovation technologique, le continent représente une opportunité économique d’un trillion de dollars pour le Canada.
La gouvernance, le développement des infrastructures et la restructuration de la dette sont autant de domaines spécifiques dans lesquels l’expertise canadienne peut être utile pour favoriser de nouvelles avancées.
Alors que le Canada est confronté à des défis émergents dans des régions comme l’Indo-Pacifique, l’Afrique apparaît comme un espace essentiel pour compenser les pertes potentielles et ouvrir de nouvelles voies au commerce et à l’investissement.
La zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA) est un excellent exemple du potentiel de collaboration entre le Canada et l’Afrique, offrant un terrain fertile pour des gains mutuels. Grâce à des initiatives telles que l’ALECA, le Canada pourrait tirer parti de l’écosystème florissant des startups et de l’économie numérique émergente de l’Afrique, ce qui favoriserait l’innovation et la croissance économique sur les deux continents.
Une nouvelle politique Canada-Afrique a la capacité de débloquer une pléthore d’opportunités pour accroître le commerce, l’investissement et l’innovation. Par exemple, le renforcement du commerce agricole pourrait non seulement ouvrir les marchés canadiens aux produits diversifiés et de grande qualité de l’Afrique, mais aussi favoriser la sécurité alimentaire et la diversification économique dans les deux régions.
De même, des projets de collaboration dans le secteur technologique pourraient permettre aux jeunes entreprises africaines de bénéficier de l’expertise et du financement canadiens, ce qui stimulerait l’innovation et créerait des possibilités d’emploi.
En outre, les échanges éducatifs et les partenariats de recherche ont le potentiel de renforcer le capital humain, ce qui entraînerait des progrès dans les domaines de la santé, de l’ingénierie et de la durabilité de l’environnement.
Les enjeux sont importants pour l’avenir de l’Afrique et du Canada.
L’engagement du Canada envers l’Afrique doit impérativement transcender la diplomatie transactionnelle et s’inscrire dans une vision à long terme ancrée dans des valeurs et des aspirations communes. En se faisant le champion de partenariats inspirés par les principes de bonne gouvernance, de transparence et d’inclusivité, le Canada peut favoriser le développement durable et atténuer les risques associés aux gains à court terme.
En outre, en s’alignant sur les États africains, le Canada peut constituer une coalition de nations partageant les mêmes idées et soutenant les valeurs canadiennes sur la scène internationale. Une diplomatie astucieuse et une vision éclairée seront essentielles à cet égard, afin d’assurer à l’Afrique un développement durable.
(c) Institut Neoquébec ( source : Canadian Centre for African Affairs and Policy Research by Templar Kalundu Iga )