Le 28 avril 2025, un « outsider » déjoue les pronostics. Natilien Joseph, candidat libéral, ravit Longueuil–Saint-Hubert au député sortant Denis Trudel (Bloc québécois), solidement élu depuis 2019. Entrée remarquée à la 45ᵉ législature, victoire surprise, campagne heurtée : l’histoire coche toutes les cases du récit politique. Mais derrière les gros titres, se dessine un parcours de proximité, forgé au bénévolat, aux métiers de première ligne et à une idée fixe : s’intégrer en contribuant.

La course n’a rien d’un long fleuve tranquille. En plein sprint final, une controverse autour de suivis Instagram jugés inappropriés enflamme le débat. Des organismes locaux réclament son retrait. Natilien Joseph s’excuse publiquement, supprime le compte en cause, puis maintient le cap. Les urnes, quelques jours plus tard, entérinent sa stratégie : continuer d’aller à la rencontre des électeurs, porte après porte. « La politique, ce n’est pas des mots : ce sont des portes qu’on cogne — et où l’on revient le lendemain« , résume-t-il.

« Bienvenue ! » : le mot qui change tout…

Son récit commence bien avant la politique, au comptoir d’arrivée d’un aéroport.  » À l’aéroport, l’agent d’immigration m’a dit : bienvenue. ». Le mot, banal en apparence, devient déclic. En 2010, de passage à Montréal depuis la Floride, Natilien Joseph découvre un Québec où l’accueil est pratique plus que slogan. Il reviendra, puis s’y installera en 2017 : « J’ai choisi le Québec… et, d’une certaine façon, le Québec m’a choisi.« .

S’intégrer sans s’effacer

Avant le Québec, il y a Paris : un DEP en électricité et froid, puis une petite entreprise de construction fondée avec un ami. Deux convictions s’y ancrent : travailler beaucoup et rester indépendant. À son arrivée ici, il refuse « l’attente passive du fameux papier« . Il s’implique alors : chauffeur bénévole pour des jeunes en difficulté, cuisinier à la popote roulante en plein hiver. « Dans une autre culture, il faut s’intégrer — pas s’assimiler. Apprendre, participer, contribuer. Sinon l’isolement gagne, puis la santé mentale trinque« .

La famille comme boussole

Entre Montréal et l’Europe, sa rencontre avec celle qui devient son épouse trace une ligne de vie à cheval sur deux continents. En 2017, alors que leur deuxième enfant est en route,  Natilien Joseph tranche : le Québec sera la maison « par la grande porte ». Quitter l’entreprise bâtie en France, repartir à zéro, retourner en formation, accepter des « jobs de transition« , puis choisir un métier et des horaires qui laissent de la place aux siens.  » J’ai pris le premier job pour comprendre, puis le bon métier pour contribuer : travailler, c’est s’intégrer. »

Essayer les métiers pour comprendre la société

Pour comprendre le marché du travail, il passe par l’agence : cimenterie, remplacements en usine. Cap ensuite sur un DEP en transport par camion, semaine d’études à Québec, week-ends en famille. Le métier lui plaît, la réalité familiale le rattrape : trop de routes, trop de nuits loin des enfants. Les livraisons de l’aube s’enchaînent avant l’atterrissage au transport adapté — son « point d’ancrage« ». Avant cela, il flirte avec le courtage immobilier. Diplômé de l’Institut Teccart, il avance.  Puis vient le transport adapté et les rencontre inévitables avec les aînés, personnes en situation de handicap, jeunes aux troubles d’apprentissage : « Chaque personne a une histoire. On ne juge pas, on aide. » Dans la cabine, naissent des confidences — et une idée : seul, on change peu; avec une voix, peut-être davantage.

La politique par la porte du terrain

Vice-président de l’association libérale locale, premier congrès à Trois-Rivières : le haitien Natilien Joseph découvre des élus accessibles, loin de l’apparat. Il se lance ensuite dans Longueuil–Saint-Hubert, face à un titulaire réputé imprenable. Sa méthode ? Marcher, écouter, revenir. Des portes closes qui s’entrouvrent, des échanges rugueux qui finissent en « je vais y penser ». Une électrice lui confie même avoir dépassé un préjugé, à la force d’une conversation franche. Sa campagne, dit-il, « c’est la preuve par le pas de porte« .

Gracieuseté Bureau Natilien Joseph

Ses priorités, très concrètes

  • Logement abordable « Livrer de vraies unités, pas des promesses », en actionnant les leviers fédéraux qui irriguent les villes.
  • Itinérance :  Sortir de la stigmatisation : maisons de transition plutôt que clés en main. « On n’installe pas seul en logement quelqu’un qui a vécu dix ans dehors. On l’accompagne. »
  • Aînés : Reconnaître celles et ceux qui ont bâti le pays : aucun aîné ne devrait choisir entre l’épicerie et le loyer.
  • Employabilité : stages, accompagnement, en s’appuyant sur les organismes du territoire.

Sur la culture et la langue, l’attachement est clair. Mais il refuse l’opposition entre symboles et quotidien : « Défendre la langue, oui. Et, en même temps, répondre à la dame qui dit : “Ce n’est pas la langue qui paiera mon loyer.”  »

Le style Joseph : proximité et suivi au cordeau

À ceux qui jugent le fédéral trop loin des « vraies affaires », il oppose un agenda serré : tournées d’organismes, visites en résidences, levées de fonds, tables rondes. « On ne se présente pas pour parler à la population, mais avec elle. ». Sa marque de fabrique se joue dans l’ombre : le suivi. « Maniaque » de l’agenda, du rappel de dossier, du citoyen recontacté. Il cite, admiratif, une collaboratrice répondant aux médias depuis l’hôpital. « »Exigeant, oui. D’abord avec moi. Parce que je porte une confiance. »

Alors pourquoi Ottawa plutôt que l’hôtel de ville d’une ville du Québec ?

Réponse pédagogique : les grands flux financiers partent d’Ottawa vers les provinces et les municipalités. Être au fédéral, explique-t-il, c’est agir à la source — logement, itinérance, soutien aux aînés : « Rien de ce qui compte ici n’est déconnecté des programmes fédéraux. »

(c) Neoquébec

Sacrifices assumés, ambition utile

La politique a un coût : moins de trajets d’école, plus d’appels vidéo à l’aube. « Personne ne m’a forcé. J’ai choisi de contribuer au changement.  » L’ambition ? Assumée, mais « utile » : déplacer l’aiguille, livrer des logements, accompagner des personnes, rendre des services plus accessibles. Son slogan résume l’intention : « Tout est possible. Ensemble, faisons la différence. »

Une ligne brisée qui fait sens

Lire l’itinéraire de Natilien Joseph comme une ligne droite — travailler, aider, représenter — serait tentant. C’est au contraire une ligne brisée, faite d’essais, de retours, de virages assumés : de la cimenterie au camion, du camion au transport adapté, du transport adapté à la Chambre des communes. Une cohérence s’en dégage pourtant : aller vers. Vers la société d’accueil, vers les invisibles, vers les citoyens. Ne pas attendre que les portes s’ouvrent. Cogner. Puis revenir, s’il le faut. Toujours.

(c) CYEK – Institut Neoquébec (oct. 2025)

 

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