ODans un article publié dans Le Devoir il y a quelques jours, on apprenait que l’appui de la population québécoise à la Loi 21 dite Loi de la Laïcité avait baissé : » Selon un sondage en ligne mené par Léger pour l’Association d’études canadiennes, 55 % des répondants se disent pour l’interdiction du port de symbole religieux par les enseignants. En septembre, l’appui à la loi s’élevait à 64 %, selon un autre sondage de la firme. ».
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La chroniqueuse Francine Pelletier est revenue sur cette information en ces termes :
(…) Combien de fois a-t-on entendu le premier ministre affirmer que cette politique était très majoritairement appuyée par les Québécois ? L’argument vient d’en prendre pour son rhume. La popularité du chef, tout comme celle de la loi 21, se retrouve d’ailleurs exactement au même niveau : à 55 % des appuis après avoir chuté de 9-10 points en quelques mois. C’est quand bien même une majorité, me direz-vous. Oui, mais ce n’est plus l’état de grâce.
D’autres éléments du sondage mettent en relief cette pente savonneuse. D’abord, l’écart vertigineux entre l’opinion des plus jeunes (18 à 24 ans) et des plus vieux (65 à 74 ans). Les baby-boomers appuient massivement l’interdiction des signes religieux (73,9 %), alors que les millénariaux, eux, vivent sur une autre planète. L’appui à l’interdiction des signes religieux est en fait plus élevé dans l’ensemble du Manitoba et de la Saskatchewan (30 %) que chez les jeunes Québécois eux-mêmes (27,8 %). Ça vous donne une idée de l’ampleur du fossé générationnel.
On ne peut plus affirmer qu’au Québec, « c’est comme ça qu’on vit ». Vraisemblablement, ce n’est plus qu’une question de temps avant qu’on vive — ou du moins qu’on pense et qu’on gouverne — différemment. Pour l’instant, la réalité brute, les « vraies affaires », le cas d’une femme, Fatemeh Anvari, enseignante de 3e année dans l’Outaouais, démise de son poste (1) à cause d’un simple hidjab, semble avoir ébranlé l’appui à la loi 21.
Ce qu’il ne fallait pas qu’il arrive — la mise à l’écart d’une enseignante respectée, attachante, compétente, à un moment où le milieu de l’éducation a terriblement besoin d’elle, pour aucune autre raison que son habillement, habillement que par ailleurs elle a le droit de porter comme administratrice dans la même école, cherchez la cohérence… —, ce qu’il ne fallait surtout pas qu’il arrive, le fameux reality check, arriva.
Il suffisait d’un cas concret pour souligner l’absurdité et l’odieux de la chose. Ce que François Legault a lui-même admis, indirectement, à Tout le monde en parle dimanche dernier. « Les citoyens ont le droit de gagner leur vie », précisa-t-il pour expliquer pourquoi on obligeait désormais qu’un consommateur soit vacciné pour entrer chez Walmart, mais pas les employés. « Ce n’est pas possible légalement de contraindre une personne, de leur dire vous perdez votre emploi. » Sauf, évidemment, si on a le malheur d’être une enseignante voilée.
Le gouvernement admettrait-il, à mots couverts, l’illégalité de son geste ? C’est la raison d’ailleurs de la disposition de dérogation, une entourloupette juridique qui permet de mettre sous une cloche de verre un geste qui porte atteinte aux droits fondamentaux. Il fallait aussi éviter d’empiler les cadavres, de ne pas faire trop de victimes, en congédiant à répétition des enseignantes voilées dont la compétence n’est absolument pas mise en cause. C’est pourquoi on s’est assuré d’inclure une clause de droits acquis dans la loi, protégeant ainsi les personnes déjà en poste du congédiement. Il fallait donner un grand coup, disait-on, pour défendre la laïcité, mais en gardant la manœuvre le plus invisible possible.
Le gouvernement Legault doit se féliciter aujourd’hui de ne pas avoir inclus dans sa loi le personnel de la santé. Imaginez un peu, à un moment où il manque 2000 travailleurs dans le domaine, où les hospitalisations augmentent et où on procède à du délestage, s’il fallait lever le nez sur des préposées, des infirmières et des médecins déjà formées. À cause d’un voile ? François Legault, qui est d’abord un homme de gros bon sens, aurait certainement reculé devant la loi 21 de la même façon qu’il a reculé devant la vaccination obligatoire du personnel de la santé. Un, parce qu’on n’a pas le droit d’empêcher les gens de travailler. Deux, parce qu’il n’y a rien comme une situation de « vie ou de mort » pour distinguer les vrais problèmes des faux.
L’interdiction du port des signes religieux est une autre « mesure-spectacle » qui cherche à assurer à la population — francophone d’un certain âge, surtout — que nous ne retournerons pas en arrière, que la religion sera tenue en laisse. C’est un faux problème. Il n’y a aucun signe au Québec d’une montée religieuse. Nous sommes une des sociétés les moins pratiquantes au monde — ce qui inclut la communauté musulmane, dont 60 % ne fréquentent pas les mosquées et dont seulement 10 % des femmes sont voilées (2). Le prosélytisme, disent les syndicats d’enseignants, n’est pas un problème dans les écoles. La laïcité est bien implantée au Québec, et l’invasion islamiste n’est pas au rendez-vous.
Le cas de Fatemeh Anvari, sans parler de la pandémie qui a le don de remettre les pendules à l’heure, nous ramène aux vrais problèmes : la gestion de l’éducation et de la santé, les professionnels qui n’en peuvent plus, le manque criant de ressources… À force de nous frotter aux vraies affaires, peut-être verrons-nous l’inutilité de combattre des moulins à vent.
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Autres informations d’ordre linguistique et générationnel que révèle le sondage liées :
– 59 % des répondants francophones se disent « totalement » ou « plutôt » en faveur d’interdire les symboles religieux visibles par les enseignants. Du côté des répondants anglophones, cet appui dégringole à 26 %.
– Parmi les Québécois, ce sont les répondants âgés de 65 à 74 ans qui appuient le plus cette interdiction à 73,9 %, comparativement à seulement 27,8 % de ceux âgés de 18 à 24 ans.
– Dans l’ensemble du pays, un répondant sur trois se dit en faveur de l’interdiction, contre 55 % d’opposants et 12 % d’indécis.
– Une majorité de répondants, même au Québec, estime qu’il est important que la Cour suprême du Canada se penche sur la question. Mais une intervention du gouvernement fédéral devant la Cour suprême divise plus l’opinion. Une telle action reçoit l’appui de 39 % des répondants contre 29 % qui s’y opposent.
– Au Québec, une majorité des répondants désapprouve une intervention du gouvernement fédéral, 42 % contre 37 %.
(2) https://www.journaldemontreal.com/2017/02/04/qui-sont-les-musulmans-du-quebec
Neoquébec – Janvier 2022