SECTION OPINIONS / ANALYSES
Alors que le Cameroun traverse une période de fortes tensions, les appels à l’apaisement se multiplient. Mais pour espérer une paix durable, il faut oser regarder en face toutes les formes de violence — visibles et silencieuses — qui rongent notre société.
Partout dans le monde, des voix s’élèvent pour réclamer la fin des violences qui secouent le Cameroun, mon pays. L’apaisement des tensions, le retour à la normale et la paix sociale sont des aspirations que tous les Camerounais devraient partager.
Condamner toutes les formes de violence
Nous devons condamner sans équivoque la destruction des biens de nos concitoyens et le vandalisme des édifices publics commis par certains manifestants.
Mais nous devons aussi dénoncer, avec la même fermeté, l’usage disproportionné de la force par les unités de maintien de l’ordre, ainsi que les blessés et les morts par balle parmi les manifestants.
« Condamner la violence, c’est refuser la loi du plus fort —
qu’elle soit dans la rue ou dans les institutions. »
Les violences visibles… et celles qu’on tait
Se limiter à condamner les violences actuelles, c’est ignorer les violences originelles — les causes profondes, les « mères » de toutes les violences —, celles qui ont brisé le pacte social.
Comment ne pas reconnaître qu’il n’existe pas pire violence que celle d’hôpitaux laissant mourir des patients sur leurs perrons, faute d’argent arbitrairement exigé pour les soins ?
Et que dire de ces établissements qui retiennent encore des malades – parfois des mères et leurs nouveau-nés – comme otages pour recouvrer des frais médicaux ?
Les violences du quotidien
Y a-t-il plus grande violence que de priver une population d’eau potable et d’électricité pendant qu’une poignée d’élites trinque aux spiritueux les plus chers de la planète ?
Y a-t-il plus grande violence que l’incapacité d’un État à fournir une carte d’identité à ses citoyens, pendant même que ses propres forces de maintien de l’ordre les empêchent de circuler librement pour défaut d’identité ?
Y a-t-il plus grande violence que d’asphyxier son peuple sous les impôts et les frais démesurés, non pas pour construire le pays, mais pour assouvir la soif insatiable de ses dirigeants ?
Y a-t-il plus grande violence, alors que le peuple peine à survivre, qu’une élite s’octroyant un train de vie somptueux, détournant les ressources de l’État à travers les fameuses lignes 65 et 94, ou bradant les richesses nationales avec la complicité d’entreprises étrangères ?
Et que dire de cette arrogance d’une classe dirigeante qui expose publiquement les prévaricateurs de l’État à travers des enquêtes — CovidGate, CANGate — avant de les promouvoir à de hautes fonctions, narguant ainsi toute une nation ?
Enfin, y a-t-il plus grande violence que celle d’élites politiques, toutes obédiences confondues, attisant les braises du tribalisme pour préserver leur électorat, divisant pour mieux régner ?
Pour un arrêt de toutes les violences
Oui, il faut mettre un terme aux violences — mais à toutes les violences, et d’abord aux violences premières.
Retrouver la paix sociale suppose de reconnaître ces blessures profondes et d’adopter les mesures courageuses nécessaires pour les éradiquer.
« La paix n’est pas le silence des armes, mais la justice rendue à chacun. »
Un cri du peuple
Le peuple n’a pas choisi Issa Tchiroma : il s’est accroché à son courage.
Il le connaît bien — ses zones d’ombre, ses démons, ses accointances avec le régime actuel. Les exhiber pour tenter d’effrayer le peuple ne changera rien.

Ce dernier a, en réalité, exprimé massivement sa colère et son rejet d’un ordre établi devenu insoutenable.
Et pour s’affranchir, il était prêt à s’allier au diable lui-même – « »même si c’est le Diable, qu’il prenne d’abord le pouvoir « , aurait lancé un évêque catholique – estimant qu’aucune créature infernale ne saurait faire pire que le régime en place.
Issa Tchiroma Bakary est, en quelque sorte, son bon diable.
(c) Christian NB – (Opinions / Chroniques – INQC) – Nov. 2025

