Sans le crier sur tous les toits et avec une grande fierté, comme tous les membres des Premières Nations au Canada, nous partageons pour Carey Price une admiration sans bornes. 

Nous connaissons son histoire de vie et nous savons d’où il vient et tous les sacrifices que ses parents ont faits pour qu’il réussisse à percer le monde du hockey jusqu’au plus haut niveau. Peu importe d’où que l’on provienne au Canada et le groupe auquel nous nous identifions (francophone, anglophone, minorité culturelle, première nation ou autres), nous applaudissons en chœur et à tout rompre notre équipe nationale avec son célèbre cerbère levant la coupe du Championnat mondial de hockey.

À titre de Grand Chef de ma nation huronne-wendat, j’ai eu l’opportunité de siéger au sein de l’Assemblée des Premières Nations du Canada avec la mère de Carey, la Cheffe Lynda Price de la nation Ulkatcho.

J’ai entendu parler cette avocate de justice sociale, de justice réparatrice, de droits à l’égalité pour toutes et pour tous ainsi que de droits fondamentaux et de la protection du territoire.

Ses enseignements et son propre parcours de vie ont été pour Carey des bases solides afin de se construire une confiance et une force intérieure lui permettant de faire face à l’adversité, à l’indifférence ou au racisme.

Pourtant, même avec tout ce bagage de courage et de don de soi provenant de ses deux parents, Carey a connu l’an dernier une période très sombre où il a dû faire preuve d’humilité afin d’aller chercher de l’aide et se faire soigner. Je le respecte énormément pour ce geste. L’exemple qu’il a servi à tous ces jeunes en difficulté n’a pas de prix.

Carey ne doit cependant pas être instrumentalisé par les lobbys «proarmes» qui pourraient facilement le mettre dans l’embarras en faisant de lui un porte-étendard de la culture républicaine américaine jurant la victoire du deuxième amendement tout en défaisant les démocraties.

Il a dit que même si tout autour de nous est sombre et sans couleur, il ne faut jamais abandonner la partie, que tu perdes 3 à 0 ou 5 à 1. Il faut garder le fort et garder l’espoir. Il faut garder «les buts» que l’on se fixe, coûte que coûte.

Il a choisi Montréal comme espace de vie pour lui-même et sa famille et il n’a jamais voulu porter un autre chandail que celui du Canadien. Il est authentiquement canadien avec sa fierté d’être un enfant métissé, tout comme bon nombre de Québécois et de Canadiens le sont.

Il est fier d’être chasseur et de pratiquer ce mode de vie qu’il ne considère pas du tout comme un sport, mais plutôt comme l’expression d’une culture intrinsèquement fondée sur des valeurs ancestrales qu’il ne faut pas perdre ni abandonner.

Attention à l’instrumentalisation

Carey ne doit cependant pas être instrumentalisé par les lobbys «proarmes» qui pourraient facilement le mettre dans l’embarras en faisant de lui un porte-étendard de la culture républicaine américaine jurant la victoire du deuxième amendement tout en défaisant les démocraties. Il sait qu’il est vital pour l’équilibre sociétal de restreindre l’utilisation des différents types d’armes à feu. Il connaît les tueries les plus sordides que ces armes à mécanismes automatiques ont pu faire et il écoute, hébété comme nous tous, les histoires d’horreur racontées aux nouvelles quotidiennes où de pauvres innocents perdent la vie aux mains de ces tueurs sans peur et sans reproche.

Carey sait également que certains chasseurs sportifs n’en démordront jamais et qu’ils voudront toujours chasser avec les armes les plus redoutables et les télescopes les plus puissants qui soient avec des chargeurs banane contenant beaucoup plus que cinq balles.

Tout en défendant le droit des chasseurs et des fermiers de posséder des armes de chasse, Carey sait fort bien que nos ancêtres faisaient très attention au peu de munitions qu’ils possédaient et qu’ils ne connaissaient pas ce que le terme «chasseur-sportif» voulait dire. Ils chassaient afin de se nourrir, eux et leur famille ou leur clan.

Carey a entendu les plus âgés de son village raconter le temps où ils n’avaient pas le droit de chasser, même pour leur propre subsistance. Il sait que l’esprit et l’intention des traités entérinés avec la Couronne n’ont jamais retenu la version des Premières Nations et ont plutôt toujours voulu empêcher la poursuite du mode de vie ancestral de sa nation. Carey sait également que certains chasseurs sportifs n’en démordront jamais et qu’ils voudront toujours chasser avec les armes les plus redoutables et les télescopes les plus puissants qui soient avec des chargeurs banane contenant beaucoup plus que cinq balles.

J’ai lu aussi différentes versions exprimées dans les réseaux sociaux et provenant de certains de nos membres qui prônent ouvertement une parfaite alliance avec les chasseurs de toute dénomination et de toute provenance, de l’Outaouais ou d’ailleurs contre le gouvernement en place.

Peut-être seront-ils embarqués dans le prochain convoi cet hiver, prêts à occuper l’espace public à Ottawa ou à Québec et sous quelque prétexte, s’en prendre aux institutions qui font fonctionner notre système démocratique?

J’ai aimé entendre Carey dire qu’il est pleinement au courant de la tuerie de Polytechnique en 1989 et des 14 jeunes et merveilleuses étudiantes qui y ont perdu la vie aux mains d’un assassin armé d’une carabine à mécanisme automatique. Il visait des femmes exclusivement. Et nous les pères, papas de nos filles adorées, avec Carey, nous ne voulons plus jamais que cela se produise sur notre sol.

Nous continuerons de pratiquer notre mode de vie et nos traditions dans le respect de nos droits et de nos devoirs face à nos responsabilités collectives et individuelles.

Nous sommes humainement prêts à tout pour défendre notre droit à la sécurité et au bien-être de nos plus fragiles et de nos enfants, sans distinction de couleur ou de genre. Nous savons que le Cercle s’agrandit jour après jour et que la pensée linéaire et individualiste perd du terrain face à ce besoin de savoir que notre Terre-Mère est désormais sur la voie de la guérison. Nos enfants et petits-enfants nous guident dans cette seule voie d’avenir collectif crédible et porteuse d’espoir pour la paix.

Que la conférence du COP15 de Montréal en cours présentement soit une réussite d’unité et de conscientisation mondiale mettant l’être humain au centre de la discussion menant vers ces rapprochements si nécessaires et si urgents pour notre humanité.

Enfin, que nos gouvernements continuent de vouloir légiférer afin de nettoyer nos rues de ces semblants d’outils de chasse qui n’ont rien à voir avec le respect des animaux et de leur survie.

Nous continuerons de pratiquer notre mode de vie et nos traditions dans le respect de nos droits et de nos devoirs face à nos responsabilités collectives et individuelles. C’est ce que demandent nos aînés/aînées. Onenh !

Auteur : Konrad Sioui – Homme politique / Ancien Grand Chef de ma nation huronne-wendat

( source : Le Soleil) – Neoquébec Dec. 2022

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