Toutes deux d’origine latino-américaine, elles sont arrivées au Canada jeunes et avec la vie devant elles. Aujourd’hui, elles aspirent à prendre une place dans la vie publique et politique de leur ville. Les deux candidates sont convaincues que la représentation des femmes et des minorités ethnoculturelles en politique est essentielle au bon exercice de la démocratie.
Venant de pays situés à l’extrême nord et sud de l’Amérique du Sud, Alba Zúñiga Ramos, de Colombie, et Josefina Blanco, d’Argentine, veulent que leur candidature soit à la fois une reconnaissance de la société qui les a accueillies et un exemple pour toutes les femmes qui veulent faire entendre leur voix.
L’EXPÉRIENCE DE L’IMMIGRATION COMME FORCE MOTRICE
Alba Zúñiga Ramos est arrivée avec ses parents au Canada à l’âge de 15 ans, il y a 18 ans. Son père étudiait pour un doctorat à l’Université d’Ottawa et lorsqu’il a terminé, toute la famille a dû retourner en Colombie. Mais Alba a décidé de rester. Elle n’avait que 17 ans.
« Rester ici seule m’a marqué, mais je pensais que c’était la meilleure chose pour mon avenir. Mais ce n’était pas facile en tant que jeune femme seule, issue d’une minorité, avec un statut économique relativement fragile. Je me sentais vulnérable. Cependant, cela m’a aidé à aller de l’avant. Cela m’a donné des responsabilités et m’a fait réaliser qu’il y avait beaucoup de femmes dans la même situation. Aujourd’hui, en tant que candidate au poste de conseillère municipale, j’aimerais faire en sorte que des situations comme celles que j’ai vécues soient plus faciles pour d’autres femmes. Donner l’exemple et ouvrir des portes. Je crois aussi que ma candidature est une façon de dire à la société d’accueil que nous savons profiter des opportunités qui nous sont offertes. »
Alba Zúñiga Ramos, (candidate du parti Ensemble Montréal dans le district Louis-Riel) est restée au Canada après avoir terminé ses études secondaires et obtenu une bourse pour suivre un diplôme en relations internationales à l’université d’Ottawa, dans la capitale canadienne. Elle a ensuite obtenu un autre diplôme de droit à l’université McGill de Montréal et, travaillant pour subvenir à ses besoins, elle s’est impliquée dans des organismes d’aide juridique et d’accessibilité pour les minorités ethniques, handicapées, sexuelles et autres. Ces expériences lui ont permis de constater que la justice n’est pas toujours équitable pour les minorités et les personnes vulnérables, dit-elle.
Pour sa part, Josefina Blanco, qui se définit comme une mère, une Argentine, une femme, une Montréalaise, une citoyenne engagée et une immigrante de première génération, est arrivée à Montréal au moment où sa carrière professionnelle prenait un nouveau tournant.
Elle avait commencé à travailler dans la communication, notamment à la télévision, où elle devait gérer des budgets et du personnel. Les responsabilités qu’elle a eues lui ont permis de se rendre compte qu’elle était capable de faire beaucoup, mais elle a pensé qu’elle aimerait mettre ses talents au service d’une cause à laquelle elle croit davantage et qui la rendrait plus fière. Elle a donc entamé une réflexion personnelle et a décidé d’étudier pour obtenir un diplôme en travail social, en Espagne et aux Pays-Bas.
« Lorsque je suis arrivée à Montréal et que mes enfants ont commencé à fréquenter la maternelle, je me suis engagée comme bénévole dans diverses organisations communautaires afin de remercier la société d’accueil pour le soutien qu’elle m’a apporté en tant que nouvelle arrivante. Et puis, en tant que conseillère en puériculture dans des milieux défavorisés avec des familles immigrées, au statut précaire, la question de l’inégalité sociale qui m’a toujours touchée, m’a frappée. Et j’ai réalisé que je voulais jouer un rôle actif et être une actrice du changement. »
En 2017, cette citoyenne canadienne d’origine argentine s’est présentée comme conseillère municipale dans l’arrondissement De Lorimier, au centre-ville de Montréal. Elle a gagné son siège de conseillère municipale et a été nommée responsable du développement social.
Pour cette élection de 2021, elle se présente comme conseillère municipale dans le district Rosemont-Petite-Patrie, dans le district de Saint-Édouard, qui comprend l’une des zones considérées aujourd’hui comme le Quartier latin de Montréal.
LA POLITIQUE EXIGE DU COURAGE
Venant de Colombie, Alba Zúñiga avait un peu peur d’entrer en politique. Cependant, lorsqu’elle a vu qu’à Montréal, la participation des minorités au conseil municipal et aux élections elle-même était insuffisante, « j’ai été convaincue », déclare la candidate. « J’ai participé à un cours d’introduction à la politique municipale pour les femmes, organisé par l’administration municipale. Là, j’ai réalisé qu’il y avait beaucoup de femmes issues de minorités ethniques en tant qu’observatrices et très peu en tant que protagonistes. J’ai commencé à faire des recherches sur le sujet et j’ai constaté qu’il y avait un manque de représentation des femmes en politique, et en particulier des femmes issues de minorités ethniques, malgré leur pourcentage élevé dans la population générale. C’est ce qui m’a convaincu, mais ce n’est pas facile. Nous sommes exposés à tout, au sexisme et au racisme. »
Josefina Blanco dit que, venant d’Argentine, un pays très politisé, la politique l’intéressait, mais l’intimidait aussi.
« Je me demande parfois si j’aurais osé faire de la politique là-bas, et je n’en suis pas sûr. Ce qui m’a poussé à venir ici, c’est de rencontrer les conseillers de mon quartier avant de me présenter comme candidat et de voir comment ils faisaient de la politique. J’ai été très positivement surpris de voir qu’il était possible de faire de la politique de la manière que j’avais imaginée. C’est-à-dire en étant proche d’eux, en les écoutant. Avoir le courage de prendre des décisions qui ne sont parfois pas faciles, mais que nous savons nécessaires pour l’avenir. Avoir le courage de dire parfois oui et parfois non, mais en expliquant pourquoi pas. Mes origines y contribuent dans le sens où je viens d’un pays où il y a beaucoup d’inégalités. Ici, bien sûr, il y en a moins, mais il y a des inégalités et il ne faut pas les nier. »
LA POLITIQUE COMME RÉPONSE AUX BESOINS DES MIGRANTS
Tous les migrants ne sont pas dans le même bateau, dit Alba Zúñiga Ramos. Certains arrivent comme travailleurs qualifiés, d’autres comme réfugiés, d’autres encore comme étudiants internationaux ou travailleurs temporaires.
Pour la candidate du parti de l’ancien maire de Montréal Denis Coderre, les niveaux d’intégration des immigrants sont très variables et leurs besoins aussi. Mais en général, dit-elle, il est nécessaire de rendre les emplois de la mairie plus accessibles et de créer des lignes de communication anonymes pour ceux qui souffrent de discrimination.
Mais il y a aussi le don de soi, estime Alba Zúñiga Ramos. Pour elle, la faible participation des minorités et des jeunes à la politique est un véritable fléau. Lorsque les gens ne participent pas, ils n’agissent pas pour le changement, dit-elle. « Lorsque je fais du porte-à-porte, je prends le temps de parler aux familles, en particulier aux familles d’immigrés, je leur explique comment fonctionne ce système gouvernemental et comment ils peuvent contribuer. Pour moi, le dialogue est un moyen d’échanger des idées et d’encourager la participation à la politique en tant que citoyen. Et si c’est tout ce qu’il reste de cette campagne, pour moi c’est déjà une victoire. »
Josefina Blanco, du parti de la maire sortante Valérie Plante, dit être entrée en politique pour donner une voix à une partie de la population qui ne se sent pas bien représentée. « Je me suis intéressé à la politique pour faire entendre ces voix. Tous les groupes ethnoculturels de Montréal font la richesse de cette ville. Ils sont présents, certains depuis peu, mais beaucoup depuis très longtemps et ils contribuent à la vie de Montréal sur le plan culturel, social, économique, académique. Je pense que voir les modèles de tout ce que sont et font les communautés ethnoculturelles est intéressant à la fois pour la société d’accueil et pour les nouveaux immigrants qui arrivent. »
Pour Josefina Blanco, il existe deux façons de travailler et de s’attaquer aux problèmes d’inégalité. D’une part, il est nécessaire de les reconnaître et de fixer des objectifs concrets afin de trouver des solutions. D’autre part, il faut souligner le travail qui est déjà effectué à la base, par des groupes dans les communautés pour résoudre leurs propres problèmes.
S’IDENTIFIER AUX POLITICIENS
Les deux candidates parlent de la représentation et de l’identification aux candidats comme d’un moyen d’aborder et de résoudre le manque de participation des minorités en politique.
« Quand je regarde des représentants politiques, je dois pouvoir m’identifier », dit Josefina Blanco. « Sinon, les gens se découragent parce qu’ils ne se sentent pas représentés par les dirigeants qui prennent les décisions. ». ajoute-t-elle. « Ils ont le sentiment que leur réalité est très éloignée de celle des personnes en position de pouvoir. Nous avons aussi parfois peu d’intérêt pour la politique parce que nos références, dans les pays dont nous sommes originaires, ne nous convainquent pas. Et nous pensons que la politique est la même partout. Et ce n’est pas le cas. C’est un mythe que j’aimerais contribuer à dissiper, car c’est exactement ce qui m’est arrivé. »
Pour Josefina Blanco, le niveau municipal est le niveau le plus proche de la vie des citoyens. C’est le niveau de gouvernement qui a l’impact le plus direct sur la population. Et selon elle, il est relativement facile et possible de contacter les conseillers pour lesquels nous votons. Et Il existe de nombreuses façons de participer et de s’impliquer dans la politique et il n’est pas nécessaire d’être candidat, conclut-elle.
Pour sa part, Alba Zúñiga Ramos affirme que les gens doivent pouvoir se voir reflétés dans les personnes en position de pouvoir. « L’une des raisons pour lesquelles je me suis porté candidat était la motivation de mettre mon visage sur les banderoles afin que mes concitoyens, en particulier les enfants, voient que quelqu’un qui leur ressemble est là. Toute mon histoire, ça montre le genre de candidat que je suis. Des difficultés que vous rencontrez, mais aussi des possibilités et du fait qu’il vaut la peine de rêver ici. »
ps : Les élections municipales dans une grande partie de la province du Québec, dont Montréal auront lieu les 6 et 7 novembre.
(source RCI – Paloma Martinez Mendez) – Traduit et Edité par Neoquébec – oct 2021
