Les enjeux liés à la sous-représentation des femmes en milieu universitaire ont fait l’objet de plusieurs recherches dans la littérature. Bien qu’elles représentent la majorité des inscriptions postsecondaires (56,4 % à l’université, 55,8 % au collège), elles ne constituent que 44 % du corps enseignant universitaire au Canada. En 2024, les femmes occupaient 43,3 % des postes académiques à temps plein, selon Statistique Canada, avec une sous-représentation encore plus marquée des femmes racisées.

Le terme « racisé » met en évidence le caractère socialement construit des différences et leur essentialisation, et affirme que la race n’est ni objective, ni biologique, mais une idée construite qui sert à représenter, catégoriser et exclure l’« Autre ». L’Association canadienne des professeures et professeurs d’université (ACPPU) considère que les personnes enseignantes de race noire dans les universités représentent 2 % de l’ensemble du corps professoral universitaire et affichaient le taux de chômage le plus élevé (10,7 %) de tous les groupes en 2016.

Du point de vue historique, la ségrégation des personnes noires à l’école et leur exclusion de l’université a entraîné une sous-représentation de ce groupe dans les établissements d’enseignement postsecondaire, en particulier dans les universités. Sur les 70 035 membres du corps professoral dans l’enseignement postsecondaire se définissant comme appartenant aux minorités visibles, 6 455 sont des personnes noires, affirmait Statistiques Canada dans son recensement de 2023. Ce portrait assez problématique est confirmé dans le rapport publié la même année par le Comité consultatif de lutte contre le racisme à l’endroit des personnes noires dans les programmes de recherche et de formation en recherche du Conseil de recherches en sciences humaines. Le rapport souligne qu’en dépit du récent plan d’action EDI des organismes fédéraux de financement, aucune mesure spécifique n’intègre l’intersection des ethnies et des cultures, un aspect pourtant crucial pour caractériser le racisme envers les personnes noires.

Audret Kobayashi – Géographe

Ces dynamiques diverses créent des traitements différenciés entre les membres du corps professoral de manière générale et marginalisent les professeures noires. Ce groupe de femmes noires subit des obstacles importants pendant les processus d’engagement, dans le maintien de leur emploi et dans des situations de promotion. Selon la géographe et écrivaine canadienne Audrey Kobayashi, les femmes de couleur dans les universités canadiennes se font remarquées par leur invisibilité.

Les écarts constatés peuvent se mesurer au niveau de la rémunération. Selon l’ACPPU, au sein des universités, une femme racisée gagne en moyenne 68 cents pour chaque dollar gagné par un membre du groupe dominant et 45 % de femmes racisées travaillent à temps plein toute l’année dans les universités.

La sous-représentation des femmes noires parmi les titulaires de chaires de recherche à travers le Canada illustre la manière dont le racisme systémique les rend invisibles. Sur 2 006 titulaires de chaires, 259 sont des femmes racisées et seulement 32 sont des femmes noires. En ce qui concerne la promotion, un rapport de l’Université du Manitoba a révélé que les hommes sont promus au rang de professeur titulaire en moyenne 18 mois plus rapidement que les femmes. De même, Dina Al-khooly a cité une étude qui a montré que « les membres du corps professoral racisés avaient 54 % moins de chances d’obtenir la permanence et 50 % moins de chances d’être promus au rang de professeur agrégé que leurs homologues non racisés ».

Ces données non exhaustives nous fournissent un tableau permettant de pousser la réflexion sur ces enjeux d’exclusion. Des contributions pertinentes ont permis de répondre à ces interrogations, mais les femmes noires professeures peinent à trouver leur place dans certaines institutions universitaires.

Des actions positives et des moyens importants ont été déployés ces dernières décennies, notamment avec les critères EDI. Toutefois, il m’apparait clair que l’équité postulant de croiser les rapports sociaux de genre et les aspects liés à la couleur de la peau dans les processus présente ses limites. L’exemple de l’Université du Québec à Montréal (UQÀM) peut aider dans la prise de conscience du problème et dans la recherche de solutions concrètes, justes et durables.

Le plan d’action EDI 2020-24 de l’UQÀM a mis en lumière des obstacles systémiques auxquels les professeures noires font face, notamment lors de l’embauche, du maintien et de la promotion. Elles subissent des biais implicites, un environnement de travail parfois raciste, ainsi que des pratiques discriminatoires tout au long de leur carrière. Elles vivent un paradoxe d’hypervisibilité et d’invisibilité, luttant pour se faire valoir face à des discours décourageants et sexistes. Une transformation structurelle est essentielle pour créer un environnement équitable, inclusif et libre de racisme, permettant à toutes de s’épanouir pleinement dans leur rôle.

source : affairesuniversitares.ca

(*) Titre original : Les femmes noires en milieu universitaire au Canada face au racisme et à la discrimination

(c) L’auteure Ndeye Dieynaba Ndiaye est professeure agrégée au droit au Département des sciences juridiques à l’Université du Québec à Montréal

 

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